Le raku, c'est quoi ?
J'ai commencé à pratiquer le raku en 2013. Depuis, c'est une véritable passion. Je vous présente succinctement cette technique de cuisson:
Une brève histoire du raku
La technique du raku
Quelques autres techniques
Une
brève histoire du raku
16 ème siècle, au japon, invention du raku par
Chojiro
La technique du raku remonte au 16ème siècle. Le
mot Raku (らく)
(楽) est un adjectif invariable qui veut dire
confortable, facile, aisé. Quand on emploie le mot raku, c’est l’abréviation
du mot japonais raku yaki (楽焼き) qui veut dire cuisson confortable :
poterie raku (abréviation de raku-yaki 楽焼). 焼く : yaku : cuire au four
Le créateur du raku-yaki
est Chojiro, potier japonais de Kyotodu 16ème siècle. C’est le maître
de thé Rikyu qui lui demande de créer des bols pour la cérémonie du thé :
au Japon, à l’époque et encore aujoud’hui, le chanoyu, ou service japonais du
thé, est une véritable cérémonie : inspiré du boudhisme zen (méditation
dans la posture assise), le thé est préparé de manière très codifiée.
Ces bols que crée
Chojiro doivent être très sobres : ces chawan ( bols de thé )
doivent être discrets, sans raffinement ou beauté excessifs : ils doivent
rester austères. Les bols de Chojiro sont sans décoration, très simples, rouges
ou noirs. A son époque, les chawans de Chojiro sont appelés « poterie contemporaine »
ou ima-yaki. Le raku d’origine, le
raku japonais vient donc d’une approche spirituelle. Il y a le raku rouge et le
raku noir. Pour le raku rouge, la pièce est engobée d’ocre puis reçoit un émail plombeux et
est ensuite cuite à basse température et refroidie à l’air libre.Pour le raku noir, la
glaçure est à base d’oxydes métalliques tels fer, cuivre, manganèse. La pièce est
cuite lentement à haute température puis refroidie lentement à l’air libre
On voit que dans le raku « traditionnel »,
il n’y ni enfumage, ni mouillage.
1960 :
Paul Soldner ou le raku contemporain : l’invention de l’enfumage et du
mouillage
Paul Soldner, céramiste
américain, revisite le raku traditionnel japonais et est à l’origine dans les
années 60 du « raku américain », technique qui s’est ensuite répandue
dans le reste de l’occident. Libérés de la codification de la cérémonie du thé,
les potiers contemporains peuvent expérimenter, inventer.
C’est ainsi que s’essayant
au raku, Paul Soldner est insatisfait du résultat : il trouve ses pièces « laides »,
« l’argile était d’un jaune indéfinissable. La glaçure était dure ; les
oxydes de cobalt, de fer et de chrome étaient d’une brillance et d’un éclat dégoutants »
Mécontent de ses
piètres pièces, et espérant améliorer les surfaces de celles-ci, il a l’idée de
rouler les pots sortis du four, chauffés au rouge, dans des feuilles de
poivrier : ainsi nait l’enfumage.
Autre innovation de
Paul Soldner, la trempe du récipient chauffé au rouge dans de l'eau froide. Aujourd’hui,
la technique du raku peut se décliner à l’infini : le raku nu, le raku
punk de Jean-François Bourlard et son travail de recherche sur les matières, et
de multiples autres techniques dérivées : cuisson au lait, cuisson papier journal
et aluminium, etc…
Pour conclure cette
brève histoire du raku, je reproduis ci-après un extrait d'un discours de Paul
Soldner qui résume l’esprit du raku d’aujourd’hui : « Le Raku, au
contraire, met l'accent sur l'asymétrie, la beauté de l'accidentel et du
spontané, ainsi que sur la valeur et l'appréciation du naturel organique non
dominé ou complètement contrôlé par nous. Dans l'esprit du raku, il faut
accepter l'élément de surprise. Il ne faut pas avoir peur de perdre ce qui a
été planifié et il faut avoir envie de grandir en découvrant l'inconnu. Dans
l'esprit du raku, ne rien exiger, ne rien attendre, ne suivre aucun plan
absolu, être sûr du changement. Apprendre à accepter une autre solution et
préférer miser sur l'intuition. »
En bref, le raku c’est
le rakudo らくど 楽土 (rakudo veut dire
paradis) 😉
La technique
du raku
Le raku yaki, c’est un procédé de cuisson. Les pièces qui vont bénéficier de cette cuisson sont des
pièces en grès chamotté qui ont déjà été cuites une première fois en four
électrique. Le grès chamotté c’est du grès contenant de la chamotte, c’est-à-dire
de la terre déjà cuite et broyée : on peut choisir un grès plus ou moins
chamotté, et de la chamotte plus ou moins grosse. L’utilisation du grès
chamotté permet à la pièce de supporter les nombreux chocs thermiques qu’elle
reçoit lors de la montée en
température rapide, et lors de son défournement à l’état d’incandescence. Avant l'enfournement, les pièces sont émaillées, totalement ou partiellement ou pas du tout si on souhaite une
pièce entièrement noire. Les pièces peuvent également avoir été polies,
agatées, avant la première cuisson, si on les destine à du raku nu par exemple
L’enfournement : Etant
donné que les pièces du four vont être défournées entre 900 et 1000° avec de
grandes pinces, on les dispose de manière à pouvoir les saisir avec des pinces
(plates, à clous, à boule) On peut optimiser le volume du four :
différentes hauteurs avec des quilles, pièces émaillées partiellement appuyées
contre la paroi, etc…
Le
four : j’ai
commencé le raku avec un four « fait maison » : tonneau chez le
garagiste, briques réfractaires pour la sole, laine fibre isolante, fabrication
de boutons tenus avec du fil kanthal, chalumeau d’étancheur, sonde thermocouple
et thermomètre de type K , détendeur et manomètre… Vous trouverez sur le net de nombreux tutoriels
pour fabriquer un four. Au total, il faut budgéter environ 300 €. Aujourd’hui,
je travaille avec un four raku, un four Rhode modulable en hauteur, équipé d’un bruleur
sécurisé d’une puissance de 34 kW. C’est
un four à gaz et il faut utiliser du propane et pas du butane : en effet, le pouvoir calorifique du propane
est de 32 kWh/m3, contre 25 kWh/m3 pour le butane, et le
propane possède une pression naturelle plus élevée que celle du butane.
La cuisson : Les
émaux de raku fondent et se vitrifient généralement entre 820° et 980°. Le
four dispose d’un registre sur le haut, qui permet de contrôler l’état de l’émail,
qu’il soit bien nappé, par exemple. La
montée en température doit être rapide. Il
faut a peu près 1h 00 pour la première montée en température avec 3 anneaux,
moins avec 2 anneaux, en fonction de la charge utilisée (nombre et masse des
pièces à cuire).
Avant
d’envoyer la cuisson il faut vérifier : que
la plaque d'enfournement (sole) est engobée et positionnée sur des quilles (pas
de quille devant l'entrée des flammes), que
le bruleur est positionné à 2 cm environ de l'orifice, jamais à l'intérieur du
four (risque de réduction et/ou émaux brulés), que
les pièces émaillées sont desemaillées au niveau du contact avec la plaque, ou
qu’il y a des pieds de coq, que
les pièces fermées ont toutes un trou d’évacuation (L’engobage pour le raku-nu
et l’émaillage ont tendance à refermer le trou d’évacuation de l’air chaud)
En
début de la cuisson :
- Le manomètre doit être de 0,10 bars de pression, voire de 0.05 bars
- Le registre doit être fermé à moitié, au choix, par une brique réfractaire
Pendant
la cuisson :
La courbe doit être linéaire : si la température baisse ou stagne il faut
monter légèrement en pression (au manomètre) et/ou ouvrir un peu le registre.
On mène ainsi la montée en température jusqu'à 500°.
A ce moment, on peut passer la pression à 0,15 bars et ouvrir le registre au
3/4. Il faut éviter de monter plus la pression dans ce four, les émaux ont
tendance à devenir ternes, voire grisâtres car la cuisson se passe alors en
sur-réduction. Ou alors, ouvrir entièrement le registre. A
600 °, fermer l’amenée d’air latérale avec un bouchon en brique réfractaire. Il
est important de suivre la cuisson, éventuellement de saisir les données sur un
tableur et voir la courbe en temps réel
Le défournement : la sortie
des pièces du four ;Une
fois l’émail parvenu à la température de cuisson on ouvre le four ce qui fait
chuter la température. Après
s'être équipé des EPI et s'être entouré des EPC, on extrait
une à une les poteries à l’aide des grandes pinces métalliques. Par effet de
choc thermique, l’émail va se fissurer. Il faut savoir qu'à cet instant les pièces sont particulièrement fragiles : ne pas les
entrechoquer (choc et mélange des émaux, voire collage). Ne
pas poser le couvercle brutalement et ne pas refermer le couvercle
immédiatement après la sortie. Selon
la taille de la pièce, pour que le choc thermique qui fend l’émail se réalise
bien, attendre plus ou moins avant
l’enfumage : plus la pièce est épaisse, plus il faut attendre
L’enfumage : Après
avoir sorti les pièces du four on gère le temps où les pièces restent à l'air
libre (moment de l'apparition des craquelures de l'émail) puis on pose les pièces
dans le bac d'enfumage où se trouve les copeaux de bois (ou tout autre source
de carbone). J'ai essayé beaucoup de combustibles organiques : épines de pin, papier journal, feuilles mortes, oui, à la pelle j'ai essayé nombre de combustibles, pignes de pin, sciure, copeaux de bois ... et le combustible idéal pour moi est la litière pour chevaux, constituée de copeaux de bois. Ensuite, on referme le récipient d'enfumage avec son couvercle. Les pièces peuvent
rester 10 à 30 minutes à l'enfumage par exemple, selon que l’on veuille faire
du raku classique ou du raku-nu, etc…. Si on veut accentuer l'enfumage Le mieux
c’est un couvercle femelle qui vienne autour de la caisse d’enfumage mâle et
entre en partie dans un lit de sable autour de la caisse d’enfumage.
Cette
technique de l’enfumage à pour but :
- de réaliser un mode de cuisson en réduction qui permet d'obtenir des couleurs
et effets métalliques supplémentaires par rapport à une cuisson au four
électrique (rouge de cuivre par exemple).
- de permettre à la fumée d'envahir les craquelures et de les faire ressortir
en fixant le carbone sur la pièce : en effet, une fois les pièces déposées
sur un lit de sciure, celles-ci s’enflamment, et une fois le réceptacle d’enfumage
refermé, la flamme manquant de comburant (dioxygène), s’éteint et la
fumée génère du carbone qui va se déposer et se fixer sur les parties de la
pièce non émaillées, et donc notamment sur les endroits où l’émail s’est fissuré
Les
résultats peuvent varier considérablement : les paramètres sont multiples
et difficiles à maîtriser, tels que, sans exhaustivité : la température extérieure, la durée d’attente avant l’enfumage
ou la sortie du four, la nature du combustible d'enfumage et sa consistance (fin
ou gros, frais ou vieux, humide ou sec), le type d’enfumage (réduction ou oxydation en
sortant la poterie de la sciure ou non, en la laissant au contact de l’air
avant de la mettre à l’enfumage), etc…. C'est en grande partie cette étape qui
donne la particularité du raku et fait que chaque pièce est véritablement unique.
Le mouillage : En mouillant la pièce, on peut modifier deux paramètres importants (attention
toutefois au choc thermique et à la casse provoqués par un tel procédé !) :
- arrêter le mode de cuisson en réduction en débarrassant en partie la pièce
des cendres
- augmenter les craquelures en augmentant le choc thermique.
Attention
les pièces fragiles, fermées non sphériques, montées à la plaque (boites,
bouteilles...) ne doivent pas être mouillées ou peu, pour éviter la casse (choc
thermique, pression des vapeurs...). On les ressort simplement du bac
d'enfumage, on les pose dans un coin et on les laisse refroidir.
Le nettoyage : Et
ce n’est qu’après un long et minutieux nettoyage afin d’enlever tous les dépôts
de carbone qu’on découvre réellement le résultat final de sa pièce On utilise
des tampons à récurer, plus ou moins usagers, et surtout pas de paille de fer
qui pourrait rayer l'émail .
Le réenfournement : Après une cuisson, il faut recharger le four de nouvelles pièces. Il faut
attendre le refroidissement normal du four avant de ré enfourner sinon le four risque de s'abimer et de perdre en performance. Il
faut donc attendre que l'ambiance thermique dans le four ait bien redescendue avant de recharger pour une nouvelle cuisson (vers 100° par exemple). Des
fois, je réenfourne à 200°
Quelques autres techniques dérivées :
Le raku nu : une de mes techniques préférées
La cuisson au lait : un effet bois
La papillotte : papier journal et aluminium, ou terre,
épluchures de végétaux